Photo Couresy of:

Canada basketball

Joanna Wiegers et Frankie Billingsley sur l’investissement sur soi, la maternité et le futur de l’arbitrage

CBOC

/

30/3/2022

La première fois que Frankie Billingsley a participé à une formation pour arbitres et qu’elle a regardé qui il y avait dans la salle, elle n’a pas mis longtemps à réaliser qu’elle était la seule femme présente. À 24 ans, elle était plus jeune que la plupart des participants, mais en plus de sa jeunesse, elle a remarqué rapidement qu’elle était la seule femme dans un groupe de plus de 100 participants aspirant à devenir arbitre.

Billingsley a joué au softball de manière compétitive quand elle était petite et elle a continué à jouer quand elle est devenue adulte. Un arbitre de softball lui avait conseillé de participer à cette formation et il l’avait encouragé à faire un essai. Pour débuter cette formation d’un weekend, dans une cafétéria scolaire bien remplie avec tous les participants, le conférencier de l’événement avait demandé à tous les participants de première année de se lever et de se présenter. Dès le début, Billingsley a été claire.

« J’étais l’une des dernières personnes à me présenter et j’ai regardé autour de moi et j’ai dit, ‘ Je m’appelle Frankie Billingsley, et on m’a demandé de venir,’ J’ai regardé autour de moi et j’ai dit, ‘et je pense que je comprends pourquoi je suis ici.’ »

Bien que les arbitres de ses matchs de softball étaient presque toujours des hommes, elle n’avait pas réalisé que cela était dû au fait qu’il manquait de femmes pour arbitrer les matchs à l’époque. Immédiatement après avoir réalisé cela, Billinsgley savait qu’elle voulait non seulement devenir arbitre, mais aussi faire partie de ce changement.

« À l’époque, autant de femmes que d’hommes jouaient au softball, il y avait même plus de femmes je crois, » se souvient-elle. « Et pourtant il n’y avait pas de femmes arbitres à cet événement, ce qui était choquant pour moi. Je me suis vraiment dit, ‘Oh mon dieu, c’est ridicule.’ »

« C’était comme une illumination et je me suis dit, ‘Oh mon dieu, maintenant je comprends pourquoi ce gars m’a poussé à venir.’ Ce n’était pas juste parce qu’il pensait que cela pourrait me plaire, ou que je serais douée pour ça. Ils avaient besoin de femmes. »

Billingsley arbitrant un match de softball

 

Plus de 20 ans après, Billingsley a eu une carrière d’arbitre de softball et de basketball. Sa carrière d’arbitre l’a amené autour du monde, y compris à Tokyo pour les Jeux olympiques 2020 l’été dernier. Elle a connu des hauts et des bas. Sa carrière lui a aussi donné l’opportunité de poursuivre la mission qu’elle avait décidé d’entreprendre à 24 ans, elle qui voulait briser le plafond de verre pour les arbitres femmes qui allaient venir après elle. Billingsley a été mentor de nombreuses femmes qui ont évolué à ses côtés ou après elle dans le monde de l’arbitrage de l’ouest du Canada.

Même si ces premiers jours n’ont pas toujours été faciles, elle ne changerait rien de son parcours aujourd’hui.

« Au début ce n’était pas facile parce que, comme vous pouvez l’imaginer, être la seule femme arbitre pendant un certain nombre d’années était un défi en soi, » a dit Billingsley. « Mais j’ai aussi connu beaucoup de personnes qui m’ont soutenu et qui voulaient m’aider, qui voulaient me voir réussir. Je crois que ce n’est qu’à partir du moment où j’ai connu mes premiers succès que j’ai réalisé combien il était important pour moi de rester dans le jeu, mais aussi de trouver des opportunités de travailler avec des femmes plus jeunes qui voulaient aussi essayer. »

Après avoir travaillé avec l’Université de l’Alberta pendant 17 ans, et avec l’Université Grant McEwan pendant huit ans, les deux étant basées à Edmonton, Billingsley et sa famille ont déménagé en Ontario où elle travaille maintenant pour l’Université York pendant la journée, et sur plusieurs terrains de la province en soirée et en fin de semaine pour arbitrer des matchs. Son rôle de mentor pour les jeunes femmes arbitres continue malgré son déménagement.

(Photo : Pro Sports Photography)

Une des femmes qui a croisé le chemin de Billingsley en Alberta et qui la crédite pour l’avoir aidé à rendre le chemin plus facile est Joanna Wiegers. De retour chez elle après avoir enseigné l’anglais à l’étranger, Wiegers, qui a joué au basketball quand elle était jeune, a commencé à jouer dans une ligue de loisir pour les anciennes joueuses universitaires. Pendant un match, elle a eu un échange avec un arbitre par rapport à une décision qu’elle contestait et l’arbitre lui a dit que si elle avait autant de réflexions sur l’arbitrage, peut-être qu’elle devrait essayer elle-même. C’était l’illumination de Wiegers, et comme Billingsley, elle n’a jamais regardé derrière elle depuis ce jour.

« Nous avons une communauté d’arbitres très soudée ici en Alberta, » a dit Wiegers. « [Billingsley et moi] avons toutes les deux beaucoup de volontés et nous avons ouvert des portes. On a eu l’opportunité de réussir ainsi que les autres femmes arbitres ici en Alberta. Frankie était une de ces personnes qui a souvent travaillé avec moi et elle a été ma mentor en quelque sorte tout au long de ma carrière. »

En tant qu’ancienne joueuse, rester connectée au sport grâce à son travail, même si cela était bien différent du temps où elle était joueuse, était un autre bonus pour Wiegers.

« Jamais je n’aurais pensé que cela m’amènerait à devenir arbitre, mais j’ai changé ma vision et c’est devenu une passion, » a dit Wiegers.

Tout comme Billingsley, Wiegers a grimpé l’échelle de l’arbitrage et elle compte maintenant sept tournois nationaux sur son CV. Une des choses dont elle est la plus fière, c’est le fait d’avoir réussi à continuer d’évoluer dans sa carrière après être devenue maman. Même si c’était difficile au début de gérer sa grossesse puis de revenir en forme pour courir d’un bout à l’autre du terrain avec les joueuses à chaque fois qu’elle arbitrait, Wiegers savait qu’elle voulait que son fils, qui a maintenant 10 ans, voit des femmes travailler aux côtés des hommes pour arbitrer des matchs. Elle voulait aussi montrer aux femmes qu’elles n’ont pas besoin de choisir et qu’elles peuvent poursuivent leurs aspirations de carrière, quelles qu’elles soient.

Wiegers avec ses collègues de la CABC

Avoir son fils avec soi lui a aussi permis de partager sa passion du basket avec lui.

« Mon fils, qui grandit dans la communauté basket en Alberta, joue maintenant au basket et il est encore très jeune, » a-t-elle dit. Quand son emploi du temps lui permet, Wiegers entraîne aussi les équipes de son fils. « C’est un de ses sports préférés à jouer, donc c’est quelque chose que nous partageons ensemble. »

Billingsley a aussi un jeune fils qui regarde sa mère arbitrer des rencontres, depuis qu’il est tout petit.

« J’ai un fils qui a six ans, et un de mes souvenirs préférés était mon premier championnat national du basketball féminin universitaire, » a dit Billingsley. « Mon fils avait sept mois et il devait venir avec moi parce que j’allaitais. Pour mon premier championnat du monde de softball, il avait 11 mois et j’allaitais encore, donc il est aussi venu avec moi à ce championnat. »

Billingsley est aussi fière du fait que ses plus grandes réussites en arbitrage ont eu lieu après qu’elle a été devenue mère parce qu’elle veut servir d’exemple et montrer que les rêves ne s’arrêtent pas une fois qu’on a donné naissance à un enfant.

Wiegers, ici avec son fils

« Je pense que c’est vraiment surréaliste, tous les championnats nationaux sur lesquels j’ai travaillé, sont arrivés après sa naissance, et presque toute ma carrière internationale d’arbitre de softball a eu lieu depuis qu’il est là, » a dit Billingsley.

La propre expérience de Billingsley l’a mené à devenir une ressource pour les arbitres femmes qui essaient de gérer leurs propres inquiétudes pour trouver un équilibre travail-famille.

« Je veux faire partie de ces personnes qui franchissent les obstacles pour que les personnes qui arrivent après moi n’aient pas à choisir, » a-t-elle dit. « On doit pouvoir tout faire. Quand je suis devenue mère et que nous en avons parlé avec mon partenaire, je me disais, ‘ Je vais continuer à faire ces choses-là, peut-être pas au même niveau, mais je vais continuer à faire ces choses-là.’ Et ensuite, j’ai connu toutes ces aventures incroyables. C’est le message principal que je transmets aux jeunes femmes, n’ayez jamais l’impression que vous devez changer quoi que ce soit. Vous pouvez être une femme avec une carrière professionnelle, une mère, une arbitre, peu importe ce que vous voulez faire, il faut juste travailler avec son réseau de soutien pour trouver une solution. »

Dans de nombreux tournois, Billingsley a répondu aux questions et elle a servi de modèle pour les autres femmes arbitres qui réfléchissaient à leur propre parcours professionnel.

« Dans un de mes championnats nationaux, il y avait une jeune femme dans l’équipe qui venait tout juste de se marier et elle était pétrifiée de ce qui allait arriver si elle avait des enfants, » a dit Billingsley. « Elle m’a pris à part et m’a dit, ‘Frankie, est-ce qu’on peut en parler ?’ J’ai arbitré avec elle il y a quelques semaines et elle a un enfant de dix mois maintenant ! C’est très important pour une femme de décider d’avoir une famille et d’essayer de comprendre l’impact que cela va avoir sur les choses qu’on aime faire. J’ai eu la même conversation avec une arbitre japonaise avec qui j’ai travaillé durant trois championnats. Le dernier tournoi était les Jeux olympiques et elle essaie aussi de comprendre comment elle peut avoir une famille tout en continuant d’arbitrer. C’est vraiment super de pouvoir partager ces expériences avec d’autres femmes arbitres et de montrer que c’est possible. »

Même si Wiegers n’aurait jamais imaginé que sa carrière l’amènerait jusqu’ici, elle veut remercier les personnes avec qui elle a travaillé et dont elle a appris, de lui avoir donné l’opportunité d’être l’arbitre qu’elle est aujourd’hui.

« Je suis vraiment chanceuse d’être entourée de très bonnes personnes, des gens qui ont de l’influence sur ce sport, » a dit Wiegers. « J’ai la chance d’avoir une carrière épanouissante au niveau national et d’être au Canada en tant que femme et d’avoir l’opportunité d’être reconnue en basketball et en basketball en fauteuil roulant. Je suis aussi une arbitre nationale et j’arbitre aussi le softball. Je fais beaucoup d’arbitrage. »

À suivre pour Wiegers sera les Jeux du Commonwealth pour y arbitrer le basketball en fauteuil roulant. Elle fait partie des deux Canadiens sélectionnés pour travailler sur ces Jeux. Mais sur le long terme, elle est toujours prête pour la suite.

Joanna Wiegers Officiating at CCAA Nationals 2022

Joanna Wiegers arbitrant au championnat national de la CCAA 2022

« Ce n’est pas fini, n’est-ce pas ? » a dit Wiegers. « Il y a encore tellement de choses à apprendre, même pour la prochaine étape de ma carrière, qui sera probablement du mentorat et de la formation d’arbitres. Je pense que je serai toujours dans Ie basket, que ce soit pour mon fils, entraîner mon fils ou simplement le regarder jouer et le voir grandir. Et je pense que je vais continuer à être impliquée dans le sport dans tous les cas, mais le parcours que j’ai eu jusqu’ici est vraiment positif. Je n’ai aucun regret de mon côté. »

Billingsley, elle, a dû s’acclimater à une nouvelle communauté d’arbitres après avoir déménagé en Ontario. Cela lui a aussi donné du temps pour réfléchir et prendre conscience de la façon dont les choses avaient changé depuis ce samedi à la cafétéria bondée quand son propre parcours a commencé.

« Donc j’ai déménagé en Ontario et j’ai un nouveau travail, avec de nouvelles équipes et de nouveaux entraîneurs, et la semaine dernière j’étais à Waterloo et je travaillais avec une équipe de femmes arbitres quand une des entraîneures est arrivée et a levé les bras en l’air et a dit, ‘Génial,’ » a dit Billingsley. « Elle est repartie et on se disait toutes les trois, ‘Ouais, c’est super ce qui vient de se passer.’ »

Alors qu’elle pense à son propre parcours et aux mesures que le monde de l’arbitrage a pris en termes d’égalité des sexes, Billingsley est reconnaissante du soutien dont elle a bénéficié pendant son parcours. Elle est aussi extrêmement fière des efforts qu’elle a faits pour en arriver là.

« Je suis juste vraiment reconnaissante d’avoir eu ces opportunités incroyables, » a-t-elle dit. « Je pense que je les ai méritées. Je ne pense pas que je les ai reçues parce que je suis une femme. Je trouve que j’ai de la chance. J’en suis vraiment reconnaissante. »

« On récolte ce que l’on sème, » a continué Billingsley. « Je pense avoir encore beaucoup de temps et d’énergie et que je peux faire encore plus d’efforts pour être bonne dans ce que j’ai décidé de faire. Comme je l’ai toujours dit aux gens quand j’enseigne, si vous voulez accomplir quelque chose, donnez tout, vous savez ? Si vous voulez réussir, il faut investir sur soi-même pour être bon parce qu’ensuite vous allez être fier des efforts que vous avez fournis. »