Joel Anthony était prêt. Après plus de 12 ans passées en tant que joueur professionnel, dont 10 années de carrière NBA et deux titres de champion NBA avec le Heat de Miami, Anthony était prêt à enlever ses chaussures de basket et à quitter le terrain. Il sentait que c’était le bon moment et surtout, il s’était préparé à la vie après le basketball. Il se sentait bien.
Et puis la pandémie de coronavirus est arrivée.
“Quand j’ai pris ma retraite, je ne m’attendais pas à vivre dans un monde COVID,” a dit Anthony. “Dans ma tête, j’avais une idée de ce que ma vie serait au moment où j’arrêterai de jouer, et je me disais ‘oui, les choses seront différentes’, mais non, dès que la COVID est arrivée, il était clair que les choses allaient être vraiment différentes. C’était un changement brutal. Comme tout le monde, j’essaie de m’adapter.”
Anthony est quelqu’un de réservé lorsqu’il s’agit de parler de lui. Ses éloges sont démonstratifs lorsqu’il s’agit de parler de la réussite des autres, mais quand c’est sa propre carrière qui est le sujet de conversation, il préfère parler du parcours en lui-même plutôt que de ses propres succès. Actuellement, le nouveau retraité de 38 ans originaire de Montréal a resigné avec les Honey Badgers d’Hamilton de la Ligue Canadienne Élite de Basketball pour une deuxième saison en tant que consultant des joueurs, preuve qu’il a réussi sa transition à la suite de sa carrière de joueur en pleine pandémie.
Après tant d’années à jouer en tant que pro, les déplacements constants et le travail quotidien, et après avoir atteint le sommet en sport collectif en remportant deux titres de champions NBA, Anthony a ressenti le besoin de se retirer. Et c’est grâce à sa lucidité mentale qu’il a pu franchir les premières étapes dans l’inconnu.
“Mentalement, essayer d’avoir un rôle différent dans le basket est quelque chose dont j’avais envie, et que j’étais prêt à faire,” a dit Anthony. “C’est beaucoup plus facile quand le changement n’est pas quelque chose contre lequel tu essaies de te battre.”
Comment un Canadien qui a joué en NBA et ensuite à l’étranger a -t-il fait pour trouver un rôle de consultant de joueur au sein de la LCEB ? D’une certaine façon, on peut créditer l’aide à Canada Basketball. Grâce au temps qu’Anthony a passé à représenter le Canada avec son ancien capitaine de l’Équipe Nationale Senior Masculine Jermaine Anderson, la paire a construit une amitié qui est allée au-delà de la carrière de joueur des deux individus. Alors qu’Anderson est devenu le directeur Général des Honey Badgers pour son premier rôle dans sa seconde carrière, recruter un vétéran avec l’expérience d’Anthony était un choix facile pour les Honey Badgers.
Il y a autre chose qui a aidé Anthony à bien vivre sa transition : il n’y avait pas de goût d’inachevé lorsque le temps était venu pour lui de mettre fin à sa carrière de joueur.
“De mon côté, je m’étais préparé mentalement, car je savais que je n’allais pas jouer pour toujours,” a confié Anthony. “Au cours de ma carrière de joueur, mon rôle a changé, surtout lors de mes dernières années au sein de la ligue. Je ne jouais pas autant et ma présence dans l’équipe était plutôt dans un rôle de mentor, [aider les plus jeunes joueurs], ce genre de rôle.”
Avoir remporté deux titres NBA avec le Heat de Miami l’a aussi aidé à accepter la progression naturelle d’une carrière d’athlète.
Pour les Canadiens qui veulent suivre leurs joueurs et leurs équipes favorites aujourd’hui, il suffit d’utiliser son téléphone. Pendant l’enfance d’Anthony qui a grandi à Montréal à la fin des années 80 et au début des années 90, c’était différent. En l’absence de réseaux sociaux qui permettent de suivre ses joueurs préférés ou d’utiliser le Pass de la Ligue pour regarder les matches quand on veut, il n’y avait pas beaucoup de façons de trouver des informations sur ses joueurs préférés. Une des ressources dont les partisans de basketball dépendaient le plus était le magazine SLAM.
“J’économisais de l’argent pour acheter le magazine SLAM tous les mois et j’avais les affiches de toutes les publications,” a dit Anthony. “Je lisais tous les articles, je voulais connaître tous les joueurs. Je suis vraiment tombé amoureux de ce sport. J’étais obsédé par tout. Tout ce qui touchait au basketball. Je cherchais toutes les vidéos que je pouvais trouver et toutes les entrevus des joueurs. J’ai commencé à travailler sur mon jeu et à trouver des moyens de m’immerger complètement dans le basket. J’ai compris que tout ce que je voulais faire c’était faire partie du monde du basketball. J’adorais tout dans ce sport. Je voulais en savoir plus.”
Anthony raconte qu’il regardait les matches de basket quand il était petit, mais c’est pendant son adolescence que son amour pour le basket s’est transformé en obsession, qui est toujours restée. Alors que le basketball commençait à prendre ses marques au Canada, Anthony sait qu’il a eu la chance d’avoir pu regarder les Raptors de Toronto ainsi que l’ancienne équipe des Grizzlies de Vancouver.
“Nous avons eu la chance d’avoir eu les Raptors et à un moment les Grizzlies,” a dit Anthony. “Je pense qu’on a eu encore plus de chances d’avoir eu Vince [Carter]. Avoir une étoile comme ça a permis aux Raptors d’être encore plus suivis, et je pense que cela a accéléré le développement de notre sport parce que les gens y faisaient plus attention grâce à lui.”
Pour montrer les progrès du basket au Canada, Anthony cite le nombre de joueurs canadiens repêchés ainsi que l’impact que ces joueurs ont une fois qu’ils intègrent la ligue. La distance qui autrefois limitait l’accès aux nouvelles NBA à un abonnement mensuel à SLAM n’est plus un problème aujourd’hui selon Anthony. Les barrières n’existent plus.
“Quand on voit les efforts que font les joueurs, on comprend que c’est en partie grâce à ça que les joueurs rattrapent le retard et arrivent à briller au plus haut niveau,” a-t-il dit. “On voit tellement de Canadiens aujourd’hui qui viennent en NBA, et ce ne sont pas des joueurs qui sont à la limite d’être repêchés. Ce sont des joueurs qui sont dans le top 5, 1er ou dans le premier tour. Ils débarquent avec déjà beaucoup de notoriété.”
En parlant de jeunes Canadiens dans la ligue, il n’est pas surprenant qu’Anthony soit un partisan du centre des Raptors Chris Boucher.
“Évidemment, je vais être un peu plus biaisé par les joueurs qui viennent de Montréal,” a dit Anthony. “Ce genre d’état d’esprit, lui qui vient de la même ville que moi, ce genre de mentalité d’outsider, ce type de jeu, c’est comme ça qu’on grandit et qu’on arrive à trouver du succès. J’adore voir des joueurs comme Chris Boucher qui ouvrent les yeux à tout le monde pour qu’ils puissent voir ce qu’il sait faire et il continue de montrer aux gens qu’ils ont tort et de surprendre les gens et de montrer qu’il n’y pas de limites.”
Alors que le chemin vers la NBA a été rendu plus facile grâce au travail de ceux qui ont osé y rêver avant eux, on peut dire la même chose au sujet de l’Équipe Nationale Senior Masculine du Canada. Jouer un rôle pour aider à développer le programme pour qu’il devienne meilleur aujourd’hui était crucial pour Anthony.
“J’ai toujours été fier de jouer pour l’équipe nationale, mais dire que j’ai pu jouer pendant tant d’années avec toutes ces expériences, ça compte beaucoup pour moi,” a dit Anthony. “Ça n’a pas toujours été facile parce que nous sommes tous des compétiteurs sur le terrain et ne pas réussir à nous qualifier plusieurs fois aux Jeux olympiques était très décevant. Mais à chaque fois, je voulais revenir immédiatement. La non-qualification n’avait pas d’importance, je me disais, ‘Je veux y retourner, je veux réussir et faire tout ce que je peux.’
“Je suis vraiment fier de ce que j’ai réussi à accomplir avec cette équipe et de l’avoir aidé à la pousser plus haut,” a-t-il dit. “C’était un but très important pour moi de voir qu’on en est arrivés jusque-là. J’adore voir ça. Je suis content de la façon dont se porte le programme et je suis heureux de mes expériences et je veux qu’on continue sur cette voie vers la réussite.”
Dans une carrière de joueur avec beaucoup de moments forts, il considère que jouer en équipe nationale fait partie des meilleurs moments de sa carrière.
“J’ai beaucoup de bons souvenirs de ma carrière de joueur,” a-t-il dit. “Tous les gars avec qui j’ai joués seront toujours traités comme ma famille. Je les aime tous comme des frères, les joueurs, les entraîneurs, tout le monde. Je suis juste content d’être le vieux qui regarde ces jeunes qui continuent de bien jouer et qui continuent de briller. Je veux pouvoir les voir monter sur le podium quand ils joueront à la Coupe du Monde et aux Jeux olympiques. C’est ça que je veux voir.”
En ce moment, Anthony passe ses jours comme le reste du monde ; il continue de s’adapter jour après jour pendant cette pandémie qui ne cesse d’évoluer. Alors que la plupart du calendrier basket normal est en suspens, il continue de rejoindre les téléconférences et de donner son avis à Anderson et au reste du personnel des Honey Badgers alors qu’il attend l’occasion d’en faire plus.
Avoir la chance de faire partie de la LCEB veut dire avoir la chance de pouvoir continuer à développer le basketball au Canada même après sa propre carrière de joueur. Cela veut aussi dire faire partie d’une ligue qui aide à mettre en avant les joueurs qui espèrent avoir plus de visibilités.
“Pour les Canadiens, ce n’était pas quelque chose qui a toujours existé,” a dit Anthony. “La ligue est soutenue par la FIBA, les joueurs ont vraiment envie de jouer au niveau pro, ils peuvent montrer ce dont ils sont capables. Que ce soient des agents libres qui cherchent un meilleur travail, qu’ils aient eu des blessures et essaient de retrouver leur niveau pour montrer aux gens qu’ils peuvent toujours jouer, ou qu’ils cherchent simplement à jouer durant l’été, peut-être qu’ils n’ont pas eu la saison qu’ils voulaient et souhaitent poursuivre leur saison, et avoir ce genre d’opportunités est très important.”
Alors que tout a été chamboulé depuis l’année dernière, il est devenu important pour les joueurs d’avoir plus d’opportunités. Anthony fait tout ce qu’il peut pour donner un nouvel élan aux joueurs actuels qui en veulent plus.